Est-ce que le fait d’avoir de nombreux enfants n’est pas une folie dans le monde actuel ?
Notre responsabilité et le plan d’amour de Dieu
Cette question, comme toutes celles que peut se poser l’être humain dans les domaines essentiels de l’existence, amène à une réflexion de fond sur la responsabilité de chacun dans la réalisation du projet divin. Le Seigneur nous a créés gratuitement par pur acte d’Amour. Son projet est d’intégrer tous les hommes à sa vie trinitaire et c’est pour que nous puissions y participer par une démarche d’amour qu’Il nous a donné le libre arbitre, la possibilité de rentrer dans son plan de plein gré, sans contrainte. L’intelligence qu’Il nous a donné nous aide à discerner le chemin à prendre, la volonté à nous y engager librement. De ce fait, nous sommes responsables de nos actes, sans que cela puisse contrarier le projet global du Créateur.
Folie…d’amour
Précisément, le Créateur a voulu que nous soyons procréateurs. Dès la création du premier couple, Il lui a ordonné de se multiplier et décrété l’indissolubilité de l’union conjugale. L’expérience nous apprend que stérilité comme fécondité ne sont pas des données rationnellement domestiquées. Il n’empêche que ce don de la vie, fait par l’homme et la femme dans un acte de don réciproque total, naturel, corporel, est un acte libre, responsable, qui engage potentiellement à la paternité et à la maternité. En ce sens, même s’il s’agit du premier enfant, c’est déjà une folie…d’amour, à l’image de la Sagesse divine, qui est folie pour les hommes même s’ils ne rentrent pas dans le projet d’amour divin parce qu’ils ne le comprennent pas ou ne le voient pas.
Définition de la paternité et de la maternité responsable
Toutefois, on sait bien que, seul, l’amour divin est sans limites, alors que l’amour humain est fonction de nos caractéristiques spirituelles, morales, sociales, psychologiques et biologiques. C’est pourquoi l’enseignement de l’Eglise n’hésite pas à parler de « paternité responsable » et en détaille les différentes dimensions : connaissance et respect des lois biologiques, maîtrise de l’instinct et des passions par l’exercice de la raison et de la volonté, respect de la loi morale, détermination réfléchie et généreuse de faire grandir la famille, décision prise pour de sérieux motifs d’espacer ou d’éviter, temporairement ou pour un temps indéterminé, les naissances. Cette « paternité et maternité » responsables impliquent à la fois le dialogue dans le couple, le respect de la loi naturelle et la conformité à l’intention créatrice de Dieu, qui implique que l’union corporelle reste ouverte à la transmission de la vie.
» Fièvre acheteuse » ou Espérance ?
Revenons au terme « Folie », que beaucoup de nos contemporains utilisent pour qualifier ce qu’ils jugent être une irresponsabilité de la part des parents de famille nombreuse. Ce qualificatif trahit bien souvent de la part de ceux qui l’emploient un manque d’espérance, un manque de générosité ou un mélange des deux manques. Le matérialisme de notre société, le désir effréné des biens matériels, cette compensation au mal être que l’on appelle plaisamment la « fièvre acheteuse », ne portent pas nos contemporains à la générosité qu’exige la famille nombreuse. Plus encore, les joies vécues dans les familles nombreuses sont-elles assez communiquées, partagées, redonnées? N’y-a-t-il pas au fond, plus encore qu’un matérialisme, une méconnaissance des joies de la vie, une perte du goût de la vie et de la présence des autres, du partage d’une histoire commune, de la solidarité et de la tendresse familiale malgré les difficultés inhérentes à toute famille?
Parallèlement, même chez les chrétiens, la vertu théologale d’Espérance est souvent la moins présente des trois, ce qui affaiblit la Foi et la Charité. Quant aux non chrétiens, les espoirs qui leur tiennent lieu d’Espérance sont fragiles comme tout ce qui est humain et donc bien souvent déçus. Comme l’a remarquablement décrit Anatrella, la société moderne est « dépressive » et il est étonnant de constater que l’opinion publique ne fait pas de lien entre l’atonie de l’économie et la faiblesse de la démographie, alors que les fameuses « trente glorieuses » (1945-1975) coïncident avec la phase de croissance démographique à deux ans près (1943-1973). Signalons enfin une autre corrélation, aujourd’hui encore plus de 50% des vocations sacerdotales proviennent des enfants de famille nombreuse.
Jean Paul II disait souvent que la société matérialiste moderne engendrait une civilisation de mort, drogue, suicide, avortement, mais aussi chômage, déséquilibre des générations, dépressions…économiques et apathie spirituelle. L’Amour divin est une folie qui a conduit le Christ à la Croix, mais aussi à la Résurrection. La folie de la famille nombreuse n’est pas irresponsabilité si elle s’inscrit dans la perspective de l’Amour divin, qui est le sommet…de la Sagesse.