La priorité à l’homme!
Ceci ne l’empêche pas d’être en même temps une communauté humaine, et comme nous l’avons dit, le lien entre le social et l’économique est valable tant au niveau macro-économique que micro-économique. voir Réflexions sur les problèmes économiques et sociaux.La Doctrine Sociale de l’Eglise ne s’y est pas trompée, et si elle donne légitimement la priorité à l’homme en refusant que le travail soit considéré comme une » marchandise » soumise à la loi de l’offre et de la demande, et en soulignant toute la valeur psychologique, morale et spirituelle de cette activité spécifique de l’homme qu’est le travail, elle n’a jamais négligé l’importance de l’efficacité économique.
L’encyclique Centesimus Annus reconnaît le rôle pertinent du profit comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise ( CE, 35). Ce point est repris par Jean-Paul II dans ses autres encycliques sociales. Voir Doctrine sociale, l’apport spécifique de Jean-Paul II. Soulignons au passage que ce n’est pas un hasard si la béatification de Jean-Paul II a pour date la fête du 1er Mai, celle de Saint Joseph Travailleur…A la suite de Centesimus Annus, les encycliques sociales de Jean-Paul II et de son successeur Benoît XVI louent la capacité d’initiative et d’entreprise, reconnaisse le bien fondé de l’économie de marché ( et ses limites) qui est dénommée de préférence » économie libre ».
Ce sont les hommes qui sont le « patrimone le plus précieux » de l’entreprise.
En conséquence, la libre entreprise est encouragée par la Doctrine sociale de l’Eglise, dans un cadre politique, institutionnel et juridique qui garantit le développement du bien commun. Que l’on songe aux dérives de la société de consommation qui conduisent à l’exploitation de » créneaux de marché » telle que la pornographie et tout ce qui s’y rattache, il est indispensable de reconnaître la valeur infrangible et non marchande de l’être humain.
Il est donc necessaire de montrer qu’à l’intérieur d’un cadre politique, institutionnel et juridique, l’entreprise ne peut se contenter de bien gérer l’économique.
A son niveau elle a aussi à assurer l’équilibre de ses trois partenaires essentiels, clients, épargnant, travailleur, et particulièrement à traiter le travailleur comme un sujet, un acteur, un participant, et non comme un objet, un simple exécutant, un numéro sur un listing administratif. Vis-à-vis de chacun des trois partenaires, l’entreprise doit avoir un comportement non seulement conforme à la loi et à la réglementation, mais respectueux de la morale et de l’être humain.
La santé économique en termes de justice et de prudence : primum vivere.
Primum vivere. On sait suffisamment les drames humains que déclenche la mort d’une entreprise, pour dire que le rôle de l’entreprise est d’assurer sa bonne santé économique. Nous n’insisterons pas sur tout ce que cela implique en matière de dynamisme commercial mais également de solvabilité des clients, de pertinences des produits et services, de souci de la qualité, de rigueur de gestion, de compétences techniques, etc… tout cela est bien connu, et lorsque les menbres de l’entreprises ont été bien formés dans ces domaines, c’est un acquis indispensable.
Nous voudrions insister sur la dimension morale, en termes de justice et de prudence, des retours de marges de l’entreprise vers les trois partenaires que sont l’épargnant, le client et le salarié. Nous supposons donc que l’entreprise est bien gérée et qu’elle est bénéficiaire. Or, l’entreprise est redevable de quelque chose à ces trois partenaires : le client a eu le mérite de la faire vivre ; si l’entreprise ne continue pas à améliorer à son égard la qualité de ses prestations, ses prix, ses services annexes, le client lui sera infidèle à plus ou moins brève échéance. L’entreprise est donc tenu de ne pas se reposer sur ses lauriers, d’évoluer pour rester concurrentielle, mais aussi lorsqu’elle est concurrientielle, de s’améliorer » par principe », c’est une justice envers le client, justice dont la retombée en matière de relation et de fidélisation entreprise-clientèle se traduit par une bonne image de marque. C’est donc aussi une prudence qui sécurise autant le client que l’entreprise.
Fidéliser les partenaires par des moyens justes.
L’épargnant, lui, a eu le mérite de renoncer à la consommation immédiate pour sacrifier à l’investissement ; en mettant son épargne dans l’entreprise, il a pris un risque ; on ne peut donc en toute justice ne lui donner en toute justice sur la durée que le » loyer de l’argent », qu’il peut trouver partout sans prendre de risques.
Le travailleur, de son côté, s’il a respecté son contrat de travail non seulement à la lettre mais dans l’esprit, c’est-à-dire en apportant créativité et initiative, en acceptant des responsabilités, a en toute justice droit lui aussi à bénéficier d’un retour de ces fruits de la productivité en plus de son salaire.
Il convient donc à la fois de faire preuve de justice en partageant et répartissant ces fruits entre client, épargnant et salarié, et de prudence à la fois pour garder à l’entreprise une marge de sécurité et pour apprécier celui des trois partenaires qu’à un moment donné il nécessaire peut-être d’avantager pour ne pas le voir partir.
La bonne santé de l’entreprise dépend donc de la fidélité de ses clients solvables, de ses actionnaires, de ses travailleurs compétents. Ils seront fidèles s’ils voient les fruits d’une gestion juste, et cette justice est en soi une prudence de gestion.
P. Y. Bonnet