Doctrine sociale, l’apport spécifique de Jean-Paul II à travers ses encycliques sociales. (1)

Doctrine sociale : les problèmes détectés par Jean-Paul II : première encyclique sociale Laborem Exercens.

Dès sa première encyclique sociale, Laborem Exercens, (LE) 1981, Jean-Paul II fait la constatation de changements importants, introduits dans la travail humain, par l’essor des technologies nouvelles ( automisation, micro-processeurs, etc). Il s’agit là, dit-il, d’une nouvelle révolution industrielle qui, certes, facilite beaucoup de tâches mais change les métiers, supprime des emplois, peut asservir l’homme à la technique. [1]

-Constats

Dans la même encyclique, Jean-Paul II fait état d’un constat, devenu patent : le socialisme n’a pas réussi à  » socialiser le capital ; la collectivisation des moyens de production n’en a pas fait des amis ( socius) pour l’homme au travail. [2]

Autre constat nouveau : le chômage, en extension dans les pays développés et toujours important dans les pays sous-développés, touche des intellectuels, diplômés mais pas forcément bien orientés ni bien formés aux vrais besoins de la société. [3]

Jean-Paul II constate également l’importance non négligeable qu’ont pris ceux qu’il appelle les  » employeurs indirects », ceux qui d’une manière où d’une autre conditionnent le comportement de l’employeur direct, par exemple l’Etat ( par sa politique socio-économique), les Etats liés par des relations d’échange et/ou de dépendance, les multinationales agissant comme donneurs d’ordre… LE 17

Voir aussi notre article L’église et le travail

La seconde encyclique sociale de Jean-Paul II : Sollicitudo Rei Socialis.

Le lien avec l’enseignement de Paul VI

Dans sa seconde encyclique sociale, Sollicitudo Rei Socialis ( SRS 1987), Jean-Paul II constate au numéro 14 que les enseignements de Populorum Progressio ( Paul VI, 1967) sont plus que jamais d’actualité car l’évolution s’est accélérée et que le fossé Nord-Sud s’est creusé.

Destruction de l’esprit d’initiative et ses conséquences au Nord comme au Sud

L’analphabétisme, l’exclusion des niveaux supérieurs d’instruction, les discriminations pour raisons politiques, religieuses ou ethniques sont en extension. ( N°15) L’égalité en dignité est souvent dévoyée en « nivellement vers le bas », passivité, dépendance d’un appareil bureaucratique qui entraîne la  destruction de l’esprit d’initiative. L’interdépendance entre pays riches et pays pauvres crée des des difficultés évidemment aux pays pauvres mais également par contre-coup aux pays riches, y favorisant l’émergence d’un quart-monde, mal logé, en état de survie et de précarité.

Investissement et natalité

Les pays endettés, contraints au remboursement, ne peuvent plus investir. ( N°19). Enfin, le problème de la natalité est préoccupant tant au Nord, ( vieillissement de la population) qu’au sud par la manière dont il est traité ( campagnes contre la natalité, financées de l’étranger, et apparentées à un eugénisme raciste) ( N°25)

Pour terminer, Jean-Paul II constate la prise de conscience qui s’est faite, de l’importance du respect du cosmos, du milieu naturel, des ressources renouvelables, de la qualité de la vie dans les zones très industrialisées. ( N° 34)

Extrait tiré du texte de l’encyclique : différence entre l’être et l’avoir.

L’encyclique du Pape Paul VI a signalé la différence, si fréquemment accentuée de nos jours, entre l’« avoir » et l’« être », différence exprimée précédemment avec des mots précis par le Concile Vatican au N°II52. « Avoir » des objets et des biens ne perfectionne pas, en soi, le sujet humain si cela ne contribue pas à la maturation et à l’enrichissement de son « être », c’est-à-dire à la réalisation de la vocation humaine en tant que telle.

Certes, la différence entre « être » et « avoir », le danger inhérent à une pure multiplication ou à une pure substitution de choses possédées face à la valeur de l’« être », ne doit pas se transformer nécessairement en une antinomie. L’une des plus grandes injustices du monde contemporain consiste précisément dans le fait qu’il y a relativement peu de personnes qui possèdent beaucoup, tandis que beaucoup ne possèdent presque rien. C’est l’injustice de la mauvaise répartition des biens et des services originairement destinés à tous.

Voici alors le tableau : il y a ceux – le petit nombre possédant beaucoup – qui n’arrivent pas vraiment à « être » parce que, par suite d’un renversement de la hiérarchie des valeurs, ils en sont empêchés par le culte de l’« avoir », et il y a ceux – le plus grand nombre, possédant peu ou rien – qui n’arrivent pas à réaliser leur vocation humaine fondamentale parce qu’ils sont privés des biens élémentaires.

Le mal ne consiste pas dans l’« avoir » en tant que tel mais dans le fait de posséder d’une façon qui ne respecte pas la qualité ni l’ordre des valeurs des biens que l’on a, qualité et ordre des valeurs qui découlent de la subordination des biens et de leur mise à la disposition de l’« être » de l’homme et de sa vraie vocation.

Deuxième extrait tiré du texte de l’encyclique : définition par Jean-Paul II de ce qu’est la doctrine Sociale de l’Eglise, ( et de ce qu’elle n’est pas), N°41

La doctrine sociale de l’Eglise n’est pas une « troisième voie » entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées : elle constitue une catégorie en soi. Elle n’est pas non plus une idéologie, mais la formulation précise des résultats d’une réflexion attentive sur les réalités complexes de l’existence de l’homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. Son but principal est d’interpréter ces réalités, en examinant leur conformité ou leurs divergences avec les orientations de l’enseignement de l’Evangile sur l’homme et sur sa vocation à la fois terrestre et transcendante ; elle a donc pour but d’orienter le comportement chrétien. C’est pourquoi elle n’entre pas dans le domaine de l’idéologie mais dans celui de la théologie et particulièrement de la théologie morale.

L’enseignement et la diffusion de la doctrine sociale font partie de la mission d’évangélisation de l’Eglise. Et, s’agissant d’une doctrine destinée à guider la conduite de la personne, elle a pour conséquence l’« engagement pour la justice » de chacun suivant son rôle, sa vocation, sa condition.

L’accomplissement du ministère de l’évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l’Eglise, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l’annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle-là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute.

P. Y. Bonnet

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