Ceci nous amène à voir que les conditions que nous avons énoncées comme nécessaires pour une application durable du principe de subsidiarité concernent également le subordonné.
Dans l’ordre spirituel, le subordonné doit aussi être humble, admettre qu’il ne sait pas tout, qu’il ne peut pas tout, accepter les conseils, la formation et les limites de son autonomie. Le subordonné doit faire confiance à son chef. Il doit espérer en lui-même, en sa capacité à grandir.
Dans l’ordre moral, le subordonné doit être courageux dans l’acceptation des responsabilités, prudent dans la conduite de son action (savoir demander de l’aide, faire valider ses intuitions). Il doit être honnête au moment de rendre compte de son action.
Dans l’ordre méthodologique, il doit s’assurer qu’il a bien compris sa mission, les interdits qui limitent son autonomie, les qualités qui lui sont demandées. Il doit faire l’effort de bien se connaître. Il doit apprendre à rendre compte de façon claire, à la fois complète et concise.
Conversion du coeur pour le responsable comme pour le subordonné
Mais notre propos n’est pas de faire ici un cours de management. Notre but était simplement de montrer que le principe de subsidiarité, clef de la doctrine sociale de l’Eglise, passe inéluctablement par une conversion du cœur du chef comme de celui du subordonné. Nous ne pouvons nous en étonner. Quand Jean XXIII dans « Pacem in terris » appelle tous les hommes de bonne volonté à construire une civilisation de l’amour, il montre à la fois la grandeur de l’enjeu et ses exigences pour les personnes.
C’est l’amour qui est à la racine du principe de subsidiaritépuisqu’il vise à ce que chaque personne puisse dans la vie sociale jouir de l’autonomie maximale, tout en respectant les droits fondamentaux de l’autre et le bien commun des communautés dans lesquelles il vit. Comme le dit le même Jean XXIII, cet appel à la réalisation d’une civilisation de l’amour s’adresse à tous les hommes de bonne volonté, qu’ils aient ou non la Foi, qui est don de Dieu.
L’expérience montre d’ailleurs, que le principe de subsidiarité est extrêmement facile à appliquer dans toute communauté humaine de notre époque à deux conditions :
ne pas forcément employer le mot qui peut rebuter mais en montrer les avantages et les applications pratiques
ne pas dire qu’il est partie essentielle de la doctrine sociale de l’Eglise, car cela peut rebuter nombre de personnes, de bonne volonté mais bourrées de préjugés, et, hélas nombre de chrétiens à qui l’on a souvent présenté cette doctrine sociale de l’Eglise comme ringarde à notre époque de « lumières » !
Mais pour l’appliquer, reste que les conditions d’ordre spirituel et d’ordre moral sont incontournables, comme on dit en idiome hexagonal moderne. Vertus d’humilité, d’espérance, de force, d’amour qui génère la confiance, de prudence, de justice (au moment du contrôle). Le savoir-faire méthodologique n’est pas compliqué, il est à la portée de tout le monde. Certes il est des personnes plus douées que d’autres pour la communication, plus intuitives que d’autres pour déceler les qualités des personnes, plus anticipatrices des erreurs potentielles et de leurs conséquences.
Et puis, la clef fondamentale de l’application du principe de subsidiarité reste cette aptitude à faire confiance à l’autre qui, l’expérience le montre, est très souvent l’apanage de ceux, qui ont une forte confiance en eux-mêmes. Or ceux, qui paradoxalement, ont la vraie et solide confiance en eux sont ceux qui font confiance… à Dieu, sachant leurs limites. Ils savent qu’ils ne sont que serviteurs et serviteurs inutiles mais ils savent également que Dieu a fait pour eux des merveilles et en fera encore.
Nous l’avons déjà dit mais il faut le répéter sans cesse : dès la création, le Père Eternel a joué la confiance. Il est notre modèle d’applicateur du principe de subsidiarité, Il a même confié l’Incarnation de son Fils bien-aimé à une créature, la Vierge Marie modèle de tous ceux qui reçoivent une mission ainsi que son fils Jésus, qui sera le modèle de l’obéissance au Père dans sa totale liberté de Fils. Prions donc l’Esprit d’Amour de nous donner l’intelligence pour comprendre le principe clef de la doctrine sociale de l’Eglise, la force pour l’appliquer et la sagesse de reconnaître que la légitime autonomie de notre société temporelle ne peut se réaliser que « conduite par la main de Dieu… En effet, la créature sans son Créateur s’évanouit » (CONCILE VATICAN II, Gaudium et Spes, n°36)
P. Y. Bonnet