Pendant les évènements liés au vote du fameux CPE, on a pu lire cette déclaration d’une étudiante : « Les jeunes ont des droits pour les quels nos parents se sont battus. L’emploi est dû. »
La question posée est effectivement capitale et la réponse ne peut être oui ou non sans explications ni commentaires. Comme toujours, il faut afficher clairement la conception que l’on a de la personne humaine et de ses rapports avec la communauté. Pour nous, chrétiens de l’Eglise catholique, la personne faite à l’image de Dieu, « équipée » par Lui d’une intelligence et d’une volonté, qui permettent le libre choix de ses décisions, le libre arbitre, comme disent les philosophes, a reçu mission d’aménager la Création pour la mettre au service de la communauté humaine. Cette activité, spécifiquement humaine, s’appelle le travail et elle n’est devenue pénible, nécessaire pour subsister, qu’à la suite du péché originel.
Cette activité est donc un droit de la personne, en raison de sa nature voulue par Dieu. Mais c’est également un devoir, car tous doivent contribuer au bien commun. Cette activité est un bien pour l’homme, certes exigeant, difficile, parfois très dur, mais qui permet à celui-ci de se découvrir, de développer ses facultés et de grandir dans la sainteté. Le Christ, lui-même, nous a donné l’exemple en travaillant avec Joseph, menuisier-charpentier, de douze ans à trente ans.
De ce fait, toute civilisation doit offrir du travail et non une assistance économique, qui fait perdre à la personne sa dignité et sa légitime autonomie. Le pape Benoît XVI le rappelle dans son encyclique Caritas in Veritate avec des mots justes et forts : » Le principe de subsidiarité doit être étroitement relié au principe de solidarité et vice-versa, car si la subsidiarité sans la solidarité tombe dans le particularisme, il est également vrai que la solidarité sans la subsidiarité tombe dans l’assistanat qui humilie celui qui est dans le besoin. « ( Caritas in Veritate, article 57 et 58)
La société française actuelle a commis et commet de très nombreuses fautes envers les français. Elle a très abusivement dévalorisé le travail manuel, non seulement à une période passée en terme de rémunération, mais beaucoup plus en terme de reconnaissance sociale. L’école a été le véhicule de ce mépris de certains pour la formation professionnelle, pour l’intelligence concrète, pour l’apprentissage, pour l’amour du métier. Elle a engendré un culte abusif du diplôme, dans le même temps d’ailleurs qu’elle leur faisait perdre beaucoup de valeur réelle par démagogie et par idéologie « pédagogiste ».
Je suis bien placé pour savoir que les « grands concours » ne sont pas des filtres qui éliminaient sottise, prétention, manque de bon sens et de réalisme. J’ai une sympathie immodérée pour les compagnons, les artisans, les ouvriers qui aiment leur métier et le font bien. J’ai été sans forfanterie, un bon chimiste de labo, je suis toujours un bon cuisinier… et j’aime le travail, qui me le rend bien. J’ai permis à mes élèves de l’Ecole Supérieure de Chimie Industrielle de Lyon d’accéder à l’alternance : un an d’entreprise entre la 2ème et 3ème année d’école d’ingénieur et ceci dès septembre 1979. Je suis très fier de l’aîné de mes petits fils qui aime son métier de pâtissier et le fait avec grand souci de qualité.
Paradoxalement, le travail dans notre pays ne manque pas dans certains secteurs malgré l’augmentation du chômage et beaucoup d’études dites supérieures, détournent ceux qui les suivent de métiers, qui donneraient sens à leur vie.. La société n’est pas faite pour fournir des emplois, stables à vie, avec une croissance automatique de rémunération, sans évaluation de la qualité de travail, sans exigences, sans sanction aux deux sens du terme. L’emploi n’est pas un dû, le travail est un droit mais c’est aussi un devoir. L’Eglise a toujours dénoncé les méfaits d’un Etat-providence, qui assiste et crée des emplois artificiels, qui ferme trop souvent les yeux sur « l’économie parallèle », les « structures de péché », les maffias de toutes sortes. La morale se situe au dessus des valeurs républicaines, qui ont déjà assez fait la preuve de leur nullité voire de leur nocivité quand elles sont détournées. Comme le disait Joseph Ratzinger à Vittorio Messori, il y a un « mode d’emploi de l’homme » que le pouvoir politique doit humblement respecter.
Père Y. Bonnet.