Un douloureux combat contre soi-même.
J’étais encore un « jeune » prêtre (de près de 70 ans !), quand un homme de cinquante cinq ans m’a confié le combat, loin d’être achevé, qu’il menait depuis son enfance contre la paresse. C’était un agriculteur et l’on ne peut vraiment pas dire que le milieu paysan soit enclin à favoriser la paresse ou à ménager les paresseux. Cet homme me disait avec beaucoup d’humilité le mal qu’il avait jour après jour à entreprendre et à exécuter les tâches incontournables de sa vie professionnelle. D’une certaine manière, il souffrait d’être son propre patron et de n’avoir personne pour lui botter l’arrière-train !
Paresseux et très actifs!!!
Le paresseux n’est pas forcément un inactif au sens caractérologique du terme. Je connais des paresseux très actifs mais ils font ce qui leur plait, quand ça leur plait. Même ce qui parait nécessaire à tout un chacun, et cela ne leur échappe pas, ne les incite pas à s’obliger à le faire. Et en tout cas certainement pas à le faire au moment où il faut le faire. L’obéissance est pour eux une très grande difficulté, une véritable blessure dans leur psychisme, et cette difficulté n’est pas seulement liée au fait qu’ils reçoivent d’un autre un ordre, une tâche ou une mission à accomplir. Ils n’arrivent pas à obéir à eux-mêmes, quand leur intelligence leur fait discerner clairement qu’ils devraient faire ceci ou cela avant tel moment. Le temps réel, les délais qui s’imposent, leur est une dictature insupportable. Il y a tellement de choses plus attrayantes à faire à la place de ce qui devrait s’imposer à eux. C’est vraiment une maladie de la volonté, qui est dévoyée et fait systématiquement passer le plaisir avant le devoir.
Gare au chantage affectif du paresseux futé!
La sagesse populaire dit que la paresse est mère de tous les vices et c’est, hélas, souvent vrai. Si d’aventure le profil caractérologique du paresseux est celui du « nerveux », émotif, non actif, primaire, attention aux conduites addictives, qui le menacent. Les éducateurs ne sont pas toujours suffisamment avertis des difficultés, que vont leur fournir les paresseux, car ceux-ci sont souvent remarquablement intelligents, en outre charmeurs, séduisants, gentils. Ils savent utiliser habilement le chantage affectif, notamment avec maman !
Alors, que faire?
Alors que faire pour aider les petits paresseux (et les petites paresseuses, moins nombreuses mais encore plus coriaces) à cheminer dans la vie sans stagner et surtout sans rater sa vie, ce qui est le grand risque ? Ne jamais céder à leurs caprices pour tout ce qui est essentiel. Leur donner des objectifs à leur mesure et à court terme, et veiller sans pitié mal placée à l’exécution. Dès l’âge de raison, leur expliquer leur blessure et le secours que Dieu est prêt à leur porter, s’ils acceptent de reconnaître leur faiblesse et s’ils ne veulent pas en devenir esclaves. Et bien entendu faire appel à leur générosité car beaucoup de paresseux sont capables de faire pour l’autre, ce qu’ils auraient bien du mal à faire pour eux-mêmes. Les Jésuites de ma jeunesse avaient l’art de mobiliser les enfants, précoces intellectuellement et souvent enclins à la paresse en raison de leurs facilité scolaire dans le primaire, pour en faire des tuteurs d’élèves moins doués. De même le scoutisme et les activités caritatives sont souvent pour eux une voie de salut. Alors bon courage aux parents et éducateurs des petits paresseux. Evitez leur de rater leur vie, ce qui les pousserait au désespoir. Ils vous en seront reconnaissants.
Père Yannik Bonnet