Comment aider les chrétiens engagés dans le monde temporel à diffuser l’esprit de l’Evangile?Nous avons vu dans notre article précédent Comment s’élabore la Doctrine Sociale de l’Eglise ( 1) les multiples évolutions dont la Doctrine Sociale doit tenir compte pour proposer aux hommes de ce temps, selon l’expression de Gaudium et Spes, le message évangélique de manière adaptée.
Exemples de prise en compte spécifiques par les papes.
Léon XIIILéon XIII tient compte des » choses nouvelles » ( Rerum Novarum) pour que les catholiques sociaux agissent en évitant les deux écueuils opposés, celui d’un usage incontrôlé de la liberté, celui de l’oppression de cette liberté au nom d’une solidarité dévoyée ( libéralisme et socialisme). Le titre donnée à son encyclique fonde aussi l’esprit de la Doctrine Sociale, non pas pour dire que tout ce qui est nouveau serait dangereux, mais pour souligner cette attention de l’Eglise à ce qui se passe en ces temps qu’elle a mission d’évangéliser.
Pie XIPie XI dénonce les systèmes politiques totalitaires qui incarnent des idéologies perverses, Mit Brennender Sorge pour le nazisme, Divini Redemptoris pour le communisme. Outre la clairevoyance du propos, le courage des chrétiens de l’époque déjoua la surveillance de la Gestapo pour diffuser l’encyclique Mit brenneder Sorge simultanément dans les paroisses allemandes. Les persécutions s’intensifièrent à la suite de cette dénonciation d’Hiltler par le pape et permis aux catholiques de se situer.
Jean XXIIIJean XXIII prend en compte l’émergence de la socialisation, c’est-à-dire de la multiplication et de la complexité des liens entre les acteurs de la vie sociale et économique ( Mater et Magistra ) Le plan de l’encyclique reprend l’enseignement de Rerum Novarum, ainsi que les apports de Pie XI et Pie XII, selon ce développement organique de la Doctrine Sociale qui lui permet une continuité et une réelle adéquation à ce qui se passe dans le monde.
Paul VIPaul VI prend en compte le problème du sous-développement, de la prolétarisation des nations ( Populorum Progressio ) Il parle déjà du développement humain intégral, notion que développe Benoît XVI dans Caritas in Veritate. Caritas in Veritate rend un hommage appuyé à Populorum Progressio ( voir notre article à ce sujet ) et va un peu plus loin.
Jean-Paul IIJean-Paul II prend en compte la multiplication des « zones grises » dans le monde, où l’état de droit n’existe plus, pour se faire le champion des droits de l’homme. Nous avons développé son apport spécifique plus en détail. ( L’apport spécifique de Jean-Paul II à travers ses encycliques sociales, 1 et 2)
Nova et VeteraCe ne sont que quelques exemples parmi un grand nombre de prises en compte spécifiques des papes, montrant la sollicitude maternelle de l’Eglise. En revanche, la doctrine sociale ne s’interesse pas aux solutions précises en terme de techniques, ni à la conduite de l’action en tant que telle pour solutionner les problèmes ( stratégies, tactiques), car cette étape est du ressort des professionnels compétents. Elle laisse donc à la société humaine le soin de trouver ces solutions et de conduire l’action, se réservant de de relancer l’action en référance aux principes évoqués ci-dessus et qu’elle maintient immuable ( charité, dignité de la personne, subsidiarité, etc), en identifiant les évolutions intervenues depuis ses dernières prises de position. Son jugement critique n’est donc pas une » critique systématique » mais une réflexion approfondie qui n’est pas tributaire de l’air du temps ou des modes. La doctrine sociale de l’Eglise est une illustration typique de l’expression » nova et vetera ». Il y a en elle un fond immuable et en même temps une adpatation permanente à un environnement qui évolue. Si l’Eglise se taisait, on l’assuserait à juste titre de ne pas se » mouiller » pour porter secours aux plus démunis. Quelle que soit sa position, il se trouvera toujours des adversaires irréductibles. Cependant, les » hommes de bonnes volonté de ce temps » reconnaissent dans sa doctrine sociale des principes universellement applicables et utiles. Quand on les donne sans en citer l’origine, ils trouvent facilement écho chez les coeurs droits. Aux laïcs chrétiens engagés dans la cité de mener ensuite jusqu’à la source ceux que cette sagesse attire.
Nous citons ici Verbum Domini, l’exhortation apostolique de Benoît XVI sur la Parole de Dieu, citation que nous avons pris comme charte de ce parcours sur la Doctrine sociale ( voir introduction au Parcours sur la Doctrine Sociale ) : « C’est la Parole de Dieu elle-même qui dénonce sans ambiguïté les injustices et qui promeut la solidarité et l’égalité.[328] À la lumière des paroles du Seigneur, reconnaissons donc «les signes des temps» présents dans l’histoire, ne refusons pas de nous engager en faveur de ceux qui souffrent et sont victimes de l’égoïsme. Le Synode a rappelé que s’engager pour la justice et la transformation du monde est une exigence constitutive de l’Évangélisation. Comme le disait le Pape Paul VI, il s’agit «d’atteindre et comme de bouleverser par la force de l’Évangile les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité, qui sont en opposition avec la Parole de Dieu et le dessein du salut».[329] »( VD 100 ) P. Y. Bonnet
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