suite à Comprendre Caritas in Veritate(4)
Chapitre VI de Caritas in Veritate
Le développement des peuples et la technique
Le pape veut, dans ce dernier chantier proposé à la réflexion et à l’action des hommes, montrer à quelles conditions la technique peut servir authentiquement le développement humain. Il rappelle que le développement des peuples passe par celui de la personne. Que celle-ci, en y oeuvrant, se sait capable de choix libres et responsables. Mais cette liberté n’est pas celle de faire n’importe quoi, puisqu’il y a une nature humaine, avec ses caractéristiques et ses limites, qui ne vient pas de nous mais nous est donnée. Non seulement nous ne disposons pas des autres mais nous ne disposons pas arbitrairement de nous-mêmes. Par analogie, les peuples eux-mêmes peuvent dénaturer leur développement s’ils se fient aux seules possibilités offertes par le progrès technologique. On vient de voir les conséquences néfastes d’un « développement » économique, soumis aux « prodigieux » instruments financiers, qui soutenaient une croissance artificielle au service d’une consommation excessive. On ne saurait se passer des normes fondamentales de la loi morale, inscrite par Dieu dans le cœur de chacun.
Pourquoi et en vue de quoi
Le pape va donc traiter de la place à assigner à la technique. Il s’agit d’une réalité humaine liée à l’autonomie de la personne. Elle exprime la maîtrise de l’esprit sur la matière, permet d’économiser les forces, de réduire les risques, d’améliorer les conditions de vie. Dans l’agir humain, l’élément subjectif c’est le travailleur, l’élément objectif est la technique. De ce fait, la technique ne peut se couper de l’homme, elle joue son rôle dans la mission donnée à l’homme par son Créateur de prendre en main la création. La technique devient un danger quand elle se confine dans le comment en semblant ignorer le pourquoi et en vue de quoi. La technologie peut donc devenir une idéologie, au nom d’une conception absolue de la liberté, affranchie des limites liées à la nature des choses. L’humanité serait opprimée par un pouvoir qui l’empêcherait de parvenir à la vérité et de trouver un sens à la vie. La mentalité techniciste développe une vision où le vrai coïncide avec le faisable. La clé du développement authentique réside dans une intelligence, capable de penser la technique au service de la personne dans toutes les dimensions de son être. Une telle intelligence évite le piège de la fascination de la technique et prend des décisions qui sont le fruit de la responsabilité morale : la liberté humaine est alors vraiment elle-même. Le pape évoque plusieurs domaines cruciaux pour l’humanité, notamment celui des applications de la technique à la biologie, sur lesquelles il reviendra plus loin.
La paix n’est pas le produit d’une technique
Mais il aborde d’emblée d’autres domaines moins soumis au discernement de tous. Par exemple, le développement des pays est considéré par les organismes concernés comme un problème technique : ingénierie financière, ouverture de marchés, abattements de droits, réformes institutionnelles, investissements productifs. On doit en fait se demander pourquoi les résultats sont si médiocres.
C’est qu’il y a confusion entre les fins et les moyens, que le bien commun n’est pas d’abord pris en compte et que chacun a son propre critère, l’homme d’affaires c’est le profit, le scientifique l’avancement de ses découvertes, le politique le renforcement de son pouvoir. La paix, elle-même, peut être considérée comme le produit d’une technique, contacts diplomatiques, accords gouvernementaux, échanges technologiques, rencontres culturelles, efforts de coopération contre le terrorisme…etc. mais cette activité légitime doit s’enraciner dans l’amour et la vérité, l’écoute des peuples, le discernement de leurs attentes. Quant aux médias, il est clair que la famille humaine a besoin d’eux mais à condition qu’ils soient soumis eux aussi à la loi morale et non subordonnés au calcul économique ou aux idéologies à la mode. Le sens et la finalité des médias doivent être recherchés sur une base anthropologique. Multiplier les possibilités d’interconnexion, de circulation et de diffusion, n’est pas un gage de promotion de la dignité humaine.
Une raison ouverte à la transcendance
Benoît XVI revient alors sur le domaine de la bioéthique qui pose de façon radicale le choix entre deux types de rationalité, celle de la raison ouverte à la transcendance et celle d’une raison enfermée dans l’actualité du développement technologique, la raison sans la foi se perd dans l’illusion de sa toute puissance et devient étrangère au bien concret des personnes.
A la plaie tragique de l’avortement peut s’ajouter une planification eugéniste des naissances, une mentalité favorable à l’euthanasie, une culture de mort paradoxalement engendrée au moment où l’homme croit avoir dissipé tous les mystères de la vie. Une certaine culture contemporaine ne prend en compte que la possibilité technique, fécondation in vitro, clonage humain, recherche sur les embryons, hybridation homme-animal, etc. ces pratiques renforcent une conception mécanique et matérialiste de la vie humaine, ce qui favorise des jugements totalement arbitraires sur ce qui est juste ou injuste, digne ou indigne du respect.
Finalement l’absolutisation de la technique contribue à faire perdre le sens de ce qui ne relève pas de la matière mais de l’esprit. L’homme confond alors la vie intérieure d’ordre spirituel avec les mouvements de son âme sensible et les méandres de sa psychologie. Il croit que la santé de son esprit se confond avec son bien être affectif et émotionnel. Une fois de plus, Benoît XVI constate que, loin de Dieu, l’homme est fragile et inquiet, ce qui explique les nouveaux esclavages de la drogue et le désespoir de beaucoup.
En conclusion, la parole du Christ nous donne la clef de notre développement : « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire ». L’humanisme qui exclut Dieu est inhumain. L’amour de Dieu transforme les cœurs de pierre en cœurs de chair. L’amour riche de vérité nous est donné et c’est lui qui permet le développement de tout l’homme et de tous les hommes. Que Marie Mère de l’Eglise, Miroir de Justice et Reine de la paix nous protège et nous assiste.
Père Y. Bonnet.