Je dois garder mes petits-enfants pendant les vacances. Or je ne suis pas d’accord avec certains principes éducatifs de mes enfants. Puis-je les rectifier? Comment doser mon intervention ?
Chacun applique ses règles du jeu.
Etant moi-même père et grand-père, je trouve la réponse aisée même si je me permettrai de formuler votre constat un peu différemment. Je suppose en effet, que c’est vous qui avec d’authentiques principes éducatifs et que vos enfants n’en ont pas, soit qu’ils n’aient aucun principe du tout, soit qu’ils aient adopté la culture contréducative issue de la crise soixanthuitarde. Peu importe d’ailleurs, dès le moment qu’ils vous demandent de garder leurs enfants en leur absence, vous allez appliquer vos règles du jeu. Vous commencerez, dès que les parents seront partis, à les leur clarifier. Pas question bien sûr de vous justifier mais, s’ils posent la question « pourquoi ? » vous donnerez les raisons pertinentes de vos règles.
Des règles du jeu différentes à la maison et chez les grands-parents.
Il est alors possible qu’ils vous fassent remarquer les différences existant entre ces règles et ce qu’ils vivent à la maison dans leur famille. Là encore la réponse est simple : chacun, exerçant la responsabilité d’un groupe humain quel qu’il soit, fixe ses règles du jeu pour pouvoir contrôler la situation sans risque de danger. Vous pourrez ajouter, excellente occasion d’être pédagogue, qu’il y a des règles de vie qui touchent à des domaines essentiels et d’autres qui ne concernent que des domaines secondaires. Pour ce qui concerne ces derniers, l’heure des repas, l’endroit où l’on range tel ou tel ustensile, le silence à garder en début d’après-midi selon que certains font ou ne ont pas la sieste, peuvent largement varier d’une famille à l’autre.
Des règles du jeu invariables dans les domaines essentiels.
En revanche, il y a des domaines essentiels, parce qu’ils concernent la personne humaine, ses droits et ses devoirs. Cela s’appelle le respect et donc la politesse, le service, la maîtrise de soi, l’effort, le souci des autres. C’est d’ailleurs le rôle des grands-parents de transmettre et, d’une manière plus générale le rôle des anciens. Il faut le faire sans prendre le ton de « donneurs de leçons », même si les jeunes en auraient réellement besoin, mais plutôt celui de « sages », porteurs d’une précieuse expérience.
Un mode d’emploi de l’homme.
Belle occasion d’expliquer qu’il y a un « mode d’emploi de l’homme », selon la réaliste formule de Joseph Ratzinger en 1985, et que respecter ce mode d’emploi, pour soi et pour les autres, est un facteur de bonheur. On peut très facilement montrer, par toutes sortes d’exemples tirés de l’actualité familiale ou sociale, que la transgression du mode d’emploi en question a des résultats désastreux sur les familles, la sécurité dans les villes et campagnes, les violences, déprimes, suicides et autres dérives malheureusement si répandue à notre époque. Il suffit de moduler les propos selon l’âge et la sensibilité des petits-enfants.
La règle d’or de l’amour vrai.
Enfin cela permet de témoigner de votre foi chrétienne. En effet, il est facile de montrer aux petits-enfants que les malheurs des personnes proviennent du mal, mal commis ou mal subi. Le mal est une réalité, qui engendre la privation du bien et donc du bonheur. Le bien n’est autre que la traduction, dans tous les domaines, de cette magnifique possibilité ouverte à l’homme et qui s’appelle l’amour. Pas la caricature de l’amour, comme le présentent les média, mais l’amour vrai : le discernement du Bien et l’obligation en conscience de le faire. Or, même si vos petits-enfants l’ignorent, l’amour parfait a un nom : le Dieu Un et Trine, qui n’a cessé d’aimer l’humanité, l’a créée par amour, l’a sauvée par amour et la maintient par amour.
Au fond, vous le voyez, il ne faut pas vous inquiétez de cette perspective de l’accueil des petits-enfants, non éduqués selon vos principes. C’est au contraire une chance de pouvoir, sans porter le moindre jugement sur leurs parents, de leur faire connaître un autre point de vue, un autre mode de vie, des principes sûrs et, au bout du compte, les fondements de votre Foi. C’est aussi une chance pour les petits-enfants de réaliser que, tout au long de leur vie, ils côtoieront des philosophies de l’existence différentes, divergentes, parfois radicalement opposées et qu’il faut apprendre l’esprit critique, le discernement, la construction de sa propre ligne de conduite et l’habitude ensuite de la maintenir et de la perfectionner. Je vous souhaite donc de bonnes vacances avec vos petits-enfants.
Père Y. Bonnet