L’action des catholiques sociaux en France (3) La période des pionniers de 1820 à 1870.

Caractère général de la période : vers l’incarnation du spirituel dans le temporel…

Charles Fourier

Charles Fourier

 

Dans cette période initiale, l’action en direction de l’entreprise et en direction de l’état sera faible, pour les raisons que nous avons indiquée dans notre introduction : globalement, les dirigeants politiques et économiques sont hostiles à des changements de l’ordre établi, la hiérarchie catholique est, dans notre pays, plus axée sur l’étape première du spirituel que de son incarnation dans le temporel. Il faudra l’action des catholiques sensibilisés, laïcs pour la plupart, pour passer à l’étape suivante. Mais ces catholiques ont encore à structurer leur pensée pour pouvoir étendre leur influence.

Ces catholiques agissants se rattachent soit à un courant démocrate, soit à un courant monarchiste légitimiste, comme nous l’avons vu dans la deuxième partie de notre exposé. Il y a bien également un courant  » socialiste chrétien », influencé par la pensée de Fourier et Saint Simon : il croit peu à l’action pratique, ponctuelle sur le terrain, pense que le capitalisme n’est pas réformable et ses convictions chrétiennes se dissoudront dans son option socialiste. Néanmoins, cette branche aura de nombreux avatars sous forme de communautés utopistes, d’inspiration plus ou moins chrétienne et influencées par la grande vague utopiste de la deuxième partie du 20eme siècle.

 


Les actions catholiques en direction des ouvriers et de leurs familles.

Bienheureux Ozanam, fondateur des Conférences saint Vincent de Paul

Bienheureux Ozanam, fondateur des Conférences saint Vincent de Paul

Ces actions sont souvent modestes de tailles mais nombreuses : à l’origine, ce sont des  » oeuvres » comme la société Saint Joseph ( 1822), les conférences de Saint Vincent de Paul ( 1833) , la société St François Xavier ( 1840)…etc.

Ces oeuvres sont caritatives, bien sûr, mais se prolongeront par des écoles professionnelles, des patronages d’écoliers puis d’apprentis, des cercles ouvriers, des caisses de secours, de loyer, des services de placement, de logements, des foyers pour ouvriers.

Quelques grands noms : l’abbé Lowenbruck, Frédéric Ozanam, Ledreuille, Mgr Affre ( tué pendant les événements de 1848)

L’abbé Lowenbruck fonda la société Saint Joseph, dont l’action, décrite ci-dessous, n’avait rien à envier au Phalanstère de Fourier, et ne se cantonna pas à l’utopie… Dans le cadre de la société de Saint-Joseph, créée en 1822 par la Congrégation de Paris, l’abbé Lowenbruck proposa à des chefs d’atelier catholiques de leur fournir des ouvriers honnêtes. Pour cela, il offrait à des ouvriers arrivés à Paris munis de bons certificats, l’hospitalité gratuite jusqu’à ce qu’on leur trouve un atelier, puis la possibilité de profiter d’une table peu coûteuse et de distractions innocentes le dimanche. La société prospéra jusqu’à réunir 7 000 ouvriers…


Un exemple d’action : la société Saint Joseph

Action de la Société Saint Joseph
La création d’un environnement favorable aux ouvriers
Le but de l’oeuvre était « de procurer de l’ouvrage aux ouvriers, de les perfectionner dans leurs métiers et de les placer chez des maîtres où ils recevront l’exemple de toutes les vertus ». La Maison de Saint-Joseph accueillait les ouvriers envoyés par les provinces et de l’étranger; munis de bons certificats, ils recevaient l’hospitalité gratuite, jusqu’au moment où ils entraient dans les ateliers choisis avec une sollicitude toute paternelle ». Dans le voisinage immédiat, un vaste jardin était ouvert, l’été du moins, aux ouvriers membres de l’association. L’oeuvre leur offrait, nous l’avons vu, des distractions, le soir et le dimanche et des cours gratuits pour adultes : grammaire, arithmétique, chimie, sculpture, dessin d’ornement, sans compter la gymnastique et la musique. « Chaque soir, au retour du travail, les ouvriers pouvaient se livrer à ces différentes études dans des salles chauffées et bien éclairées. » « On s’emparait ainsi des moments les plus dangereux pour les ouvriers qui, n’ayant ni feu ni lumière, sont forcés de se réfugier dans les bistrots … » Le dimanche, les membres de l’association assistaient à l’office ; le repos dominical et le travail du lundi étaient évidemment de règle. Tous les jours, un restaurant à bon marché était ouvert. ( extrait de la thèse de Duroselle sur les Chrétiens Sociaux)

Les pionniers aux prises avec les barricades.

Mgr Affre, qui fut tué sur les barricades en cherchant à rétablir la paix

Mgr Affre, qui fut tué sur les barricades en cherchant à rétablir la paix
L’abbé Ledreuille, dans le même esprit, avait fondé la société Saint François-Xavier. L’abbé Lowenbruck et lui-même étaient proches de Mgr Affre, ainsi qu’Ozanam, qui avait demandé à Mgr Affre d’intervenir au moment des barricades de 1848, ce qui entraîna la mort du courageux évêque. Cette époque troublée trempa le caractère des catholiques sociaux, leur montrant les enjeux et les dangers de l’absence d’une action vraiment menée par la charité chrétienne. Ils lancèrent, avec beaucoup d’autres, le catholicisme social. Nous verrons dans la suite de notre exposé les actions de ces pionniers en direction de l’entreprise et de l’état.

  
P. Y. Bonnet

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