L’action des catholiques sociaux en France (5) Bilan de la période 1820-1870.

Une action sociale se diffusant par osmose et par relations.

Charles de Montalembert

Charles de Montalembert

On peut noter que Montalembert , qui occupe une place à part parmi les catholiques sociaux, est intervenu vigoureusement pour faire passer la loi de mars 1841 relative au travail des femmes et des enfants dans les manufactures.
Armand de Melun, dont nous avons détaillé l »action dans notre article précédent , et Denis Benoist d »Azy, futur beau-père d »Augustin Cochin, tous trois députés, feront passer plusieurs lois en 1850 sur les logements insalubres ( avril), les sociétés de secours mutuels ( juillet), les caisses de retraites ( juin), et proposeront une loi relative aux contrats d »apprentissage en février 51, le tout après avoir travaillé la société sur ses sujets pendant des années et après avoir agi dans les salons mondains, dans les associations de bienfaisance, mais aussi auprès des parlementaires, des députés et des instances politiques de l »époque. Leurs écrits, leurs discours, leurs relations de personnes à personnes ont progressivement éveillé l »opinion politique et sociale, même si on peut constater qu »il s »agit d »un même cercle relativement ouvert sur d »autres mais ne touchant pas ce qu »on appelerait plus tard l »ensemble de l »opinion publique, tous milieux confondus.


Les aléas de l’histoire : séparer l’action catholique sociale de l’affiliation à un parti.

Mgr Ketteler

Mgr Ketteler

 

L »avènement du second Empire ne leur permettra plus de poursuivre leur action et il faudra attendre la troisième république pour voir les catholiques sociaux reprendre leur action.

D »une certaine manière, le bilan de cette époque est extrêment contrasté et plutôt modeste au plan des réformes. Les catholiques au XIXeme siècle étaient en France très divisés. Un bon nombre d »entre eux étaient plus « institutionnels » que « fervents », peu soucieux de social par crainte du socialisme, très attachés à l »ordre établi plus qu »à la destination universelle des biens matériels.

Les catholiques sociaux appartenaient aux deux tendances, démocrate et légitimiste ( on ne trouve pas de catholiques sociaux orléanistes). Entre ces deux tendances, les ponts n »étaient pas coupés jusqu »aux événements de 1848. Mais après…Le haut clergé, hormis une demi-douzaine d »évêques plus clairvoyants, ( mgr Affre, Giraud, Angebault, Sibour, de Ségur, Mermillod), ne perçoit pas l »enjeu de fond et la mort tragique de Mgr Affre en 1848 sur les barricades en tentant de ramener la paix, n »arrangea pas les choses. Il n »y eu pas en France l »équivalent de Mgr Ketteler. ( Evêque de Mayence dont l »oeuvre intellectuelle a inspiré, entre autres, Albert de Mun et René de la Tour du Pin. On raconte que cet évêque savait que son apostolat social était porté par la prière d »une religieuse humble s »occupant de l »étable de son couvent et ignorant pour qui était l »offrande de ses prières quotidiennes. Mgr Ketteler la rencontra une fois mais ne lui dit pas qu »il savait par grâce être le bénéficiaire de cette humble et puissante prière).


Un effort remarquable.

Félicité Lammenais, précurseur du catholicisme social, ainsi que son frère, Jean-marie, qui fonda les frères des Ecoles Chrétiennes

Félicité Lammenais, précurseur du catholicisme social, ainsi que son frère, Jean-marie, qui fonda les frères des Ecoles Chrétiennes

 

Sur le plan pratique, l »effort des catholiques sociaux a été remarquable. ( Ozanam, A. de Melun, L »abbé Ledreuille). La pensée a évolué, notamment en ce sens que le paternalisme devait faire place à une organisation gérée par les ouvriers eux-mêmes. ( Melun, Digard, Beslay, Bourgeois)

Les catholiques sociaux sont également méfiants vis-à-vis du rôle de l »Etat, ce qui montre qu »il y a chez eux une fibre  » principe de subsidiarité », lequel principe avait déjà été ( re)mis à l »honneur par Mgr Ketteler.
Tout ce travail intellectuel et pratique va être poursuivi et amplifié pendant la période suivante. Il reste malheureusement que la classe sociale ouvrière en émergence, souvent coupée de ses racines rurales chrétiennes, s »est majoritairement constituée et développée en milieu a-religieux ou anti-religieux, et les trois révolutions de 1789, 1830 et 1848 n »y sont probablement pas pour rien, accentuant misère, ressentiment, fossé social…Malgré les efforts de communication avant-gardistes comme les deux articles de Lamennais en 1822 et 1823 dans le  » Drapeau Blanc », articles nommés  » La Prise de Conscience », malgré les publications du Journal L »Avenir créé par le même Lamennais où est exposée une pensée sociale souvent antérieure à celle des socialistes, malgré le  » traité d »économie politique chrétienne » du vicomte Alban de Villeneuve-Bargemont publié en 1834, malgré de nombreuses publications et conférences, il faudra du temps pour faire évoluer les mentalités. Néanmoins, le mouvement est lancé et connaîtra une postérité remarquable, si on en croit le développement extraordinaire que connaîtra dès lors la Doctrine Sociale de l »Eglise.






P. Y. Bonnet

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