L’autorité parentale, une étroite collaboration entre le père et la mère, à l’image de Joseph et Marie

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Double mission parentale, paternelle et maternelle, pour l’éducation de l’enfant.

C’est à juste titre qu’à propos de l’éducation des enfants on emploie le terme d’autorité parentale car tout enfant a deux géniteurs, tous deux par nature responsables de préparer leur rejeton à la vie d’adulte. L’origine latine du mot  » autorité  » signifie que celle-ci a pour finalité d’élever l’enfant, de le faire grandir  pour qu’il soit en mesure de devenir à son tour responsable de ses actes. Toutefois il est nécessaire de préciser que cette autorité, pour pouvoir être qualifiée de parentale, implique dans son exercice une collaboration étroite du père et de la mère.

Remarquons que le terme éducation a la même origine que le verbe éduquer, dont le sens est différent de celui du verbe élever.  Eduquer, toujours en raison de son origine latine, signifie qu’il est nécessaire d’exercer sur l’enfant une certaine force pour le détourner des chemins qui le feraient régresser et non s’élever. En matière d’éducation, il est donc indispensable que s’exerce une autorité de  » gouvernement  » , avec ce que cela peut comporter de règles à respecter, d’efforts à faire, de services à rendre, etc .

Notons au passage que la famille est la première communauté humaine, au sein de laquelle l’enfant va vivre  et que le  » bien commun « , pour être accompli, requiert toujours une autorité de gouvernement, disposant de deux pouvoirs qui portent le même nom de sanction. Sanctionner les mérites, c’est féliciter et récompenser, sanctionner les fautes, c’est infliger une punition. Pour éviter les dysfonctionnements, il est indispensable qu’une personne ( et une seule ) soit responsable de l’exercice du gouvernement. En contrepartie, cet exercice, pour rester à la hauteur de l’enjeu, exige que la personne responsable sache faire usage des avis de conseillers compétents. Ceci se révèle nécessaire pour toutes les communautés humaines, politiques et autres. Par exemple, le responsable d’une entreprise ne saurait prétendre être le meilleur technicien, le meilleur commerçant , le meilleur juriste, le meilleur économiste. Mais les bons  » experts  » peuvent être incapables de gouverner, ne serait – ce que trois ou quatre subordonnés. Dans toute communauté humaine, l’expérience montre l’importance d’une étroite collaboration de la personne en charge du gouvernement avec ceux et celles  qui  » font autorité  » dans leur domaine de compétence. Je me propose de montrer que l’autorité parentale requiert cette complicité entre le  » gouvernement « , exercé par le père  et l’autorité  » d’influence  » exercée par la mère.

Je suis bien conscient que l’exemple de mes propres parents a joué un rôle important pour forger en moi cette conviction. J’ai bénéficié jusqu’à mon envol vers l’autonomie de cette éducation, fruit de la collaboration sans faille de ces deux formes d’autorité. J’aurais pu penser que j’avais bénéficié de la grâce d ‘être le  » petit dernier « , ce qui n’aurait pas exclu que mes aînés aient pu essuyer quelques plâtres! Mais des conversations nombreuses que j’ai eues avec mon frère jésuite- de douze ans plus âgé que moi- à l’époque où je commençais à écrire sur l’éducation, j’ai retenu qu’il nourrissait la même admiration que moi pour cette complicité éducative.

Mon père fixait clairement les règles du jeu familiales mais ma mère était son inspiratrice de toute évidence. Ces règles, il les faisait respecter sans faiblesse, ce qui permettait à ma mère de plaider les circonstances atténuantes en cas de  » délit « , de préparer l’enfant à la repentance et le mari au pardon, de demander une  » remise de peine « , bref de jouer son rôle de mère. Leur bienveillance, incontestable, ne s’exerçait pas de la même manière. Je dois à la tendresse maternelle mon amour de la vie mais c’est mon père, qui n’a jamais cessé de me stimuler, de m’encourager, de consulter mes professeurs et de m’empêcher de me laisser aller à ma…paresse originelle ( comme le péché du même nom ! ) . Comme mes parents étaient profondément catholiques, je me suis rapidement douté que l’enseignement de l’Eglise avait joué un rôle important pour les ancrer dans leurs convictions éducatives, d’autant que mon père me recommandait la lecture des Encycliques pontificales des papes de son époque Pie XI , Pie XII et Jean XXIII , ainsi que de la doctrine sociale de l’Eglise. Je me suis bien trouvé d’avoir suivi ces conseils et de continuer par la lecture des textes de Vatican II et des papes postconciliaires.

Comme Jean-Paul II avait beaucoup tiré du deuxième chapitre de la Genèse pour nous enseigner sa théologie du corps, j’ai lu ce même texte en vue de m’éclairer sur cette question de l’autorité parentale. Voilà ce qui m’a frappé, je remarque que l’homme est créé avant la femme et que c’est à lui que Dieu présente les animaux pour qu’il leur donne un nom. Donner un nom à un être dans la culture juive, c’est exercer la  » seigneurie « , ce que Dieu donne comme consigne dans le premier chapitre de la Genèse :  » Dominez la création  » . C’est donc bien à l’homme d’exercer l’autorité de gouvernement et il le fait en regardant les animaux. Autrement dit, l’homme prend les décisions  » au for externe  » . Après cet  » inventaire  » , l’ homme constate qu’il a bien au coeur le désir d’aimer, conféré par le Créateur, mais qu’il n’a pas de semblable à aimer. Comme dit Jean Paul II, il éprouve une solitude pleine de tristesse. Et c’est de l’intérieur de son propre corps, durant un mystérieux sommeil, que Dieu tire cette merveilleuse épouse, Eve , qui va lui apprendre ce qu’est l’amour conjugal voulu par le Créateur.

Tirée de l’intérieur de son époux, Eve et ses descendantes auront cette capacité de voir les personnes  » au for interne  » , et son origine en fait l’égale en dignité de son époux. Elle n’est pas chargée de l’autorité de gouvernement, mais , comme l’exprima merveilleusement Jean Paul II, elle est  » sentinelle de l’invisible  » et toutes les autres femmes à sa suite. Au fond , cette autorité est celle de l’amour et qui pourrait nier que la mère, quand elle n’est pas dévoyée par les perverses théories actuelles, tire toute sa force du don total de soi. C’est le paganisme ancien et moderne, qui a favorisé le  » machisme « , et la réaction féministe était inéluctable et légitime. Quel dommage qu’elle se soit fourvoyée dans un mimétisme haineux !

Un autre exemple, tiré de la lecture des Evangiles, m’a conforté dans cette conviction de la coexistence, pacifique évidemment, des deux formes d’autorité paternelle et maternelle en vue de l’éducation, c’est celui de la Sainte Famille. Comme vous pouvez le constater, c’est toujours à Joseph que s’adresse l’ange pour tout ce qui concerne le  » bien commun » de la Famille : l’acceptation de la grossesse miraculeuse de Marie, la fuite en Egypte, le retour en Israël. Et c’est Joseph lui-même qui décide d’emmener Marie à Bethleem  malgré l’imminence de l’accouchement , et de revenir à Nazareth au retour d’Egypte. C’est bien lui qui exerce l’autorité de gouvernement et Marie en témoigne devant Jésus, au moment du recouvrement au Temple  en disant  » Ton père et moi te cherchions tout angoissés « . A mon avis, c’était elle qui était affolé , comme toute maman qui se respecte, et Joseph l’était beaucoup moins, mais Marie , à juste titre, mettait Joseph en premier pour lui laisser tout son rôle de gouvernement. Jésus n’avait d’ailleurs nullement désobéi, puisque les consignes étaient floues et, tout naturellement, Joseph ne fait aucune remontrance à son fils. En revanche, c’est toujours Marie qui médite tous les événements dans son coeur et qui éclaire son cher époux.

Quant à Jésus, Il a très délicatement attendu la mort de Joseph pour entamer sa mission rédemptrice, car l’attitude des chefs religieux d’ Israël à l’égard de son fils aurait révolté ce père aimant, sans qu’il bénéficie de la Grâce unique donnée à Marie pour supporter ce qu’un père humain ne saurait accepter. Aujourd’hui encore, Jésus aime  » obéir  » à ce grand Saint, car Joseph a été sur notre terre un époux et un père admirable, acceptant malgré son humilité d’être le chef de famille, gardien du bien commun familial dans le silence et la pauvreté. C’est pourquoi Dieu lui donne cette puissance d’intercession, à laquelle tant de familles chrétiennes font appel avec succès.

Je voudrais conclure par un deuxième témoignage personnel. Quand j’ai eu , le premier mardi d’avril 1973, la grâce insigne d’avoir cinquante cinq minutes d’entretien avec Marthe Robin, je lui ai demandé à un moment si, à son avis, les catholiques devaient s’engager en politique.  » Bien sûr  » , m’ a-t-elle répondu,  » mais vous pas avant dix ans  » .  » Et pourquoi , moi pas avant dix ans ?  » ai-je rétorqué.  » Parce que vous m’avez dit que votre petite dernière avait six mois.  » Elle m’a expliqué à la fois le rôle prépondérant du père pour la socialisation et la structuration de la personnalité de l’enfant mais aussi pour la création d’un climat de confiance et de proximité avec lui. Et j’ai bien compris que l’importance de ce rôle ne minimise en rien celui de la mère, à la seule condition que les époux montrent leur indestructible amour mutuel, quelles que soient les difficultés et les épreuves. Faisons le voeu que, pour parvenir à cette complicité éducative, si importante pour l’équilibre futur de leurs enfants , les parents prient inlassablement la Sainte Famille.

Père Yannik Bonnet

 

 

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