suite à Le rôle de l’entreprise pour être heureux au travail. P.Bonnet
L’Eglise a-t-elle quelque chance d’être entendue, notamment par ceux qui exercent des responsabilités économiques, sociales ou politiques ? Le pape Benoît XVI redit dans son exhortation apostolique VERBUM DOMINI:
101. De plus, je désire attirer à nouveau l’attention de tous sur l’importance de défendre et de promouvoir les droits humains de toutes les personnes, fondés sur la loi naturelle inscrite dans le cœur de l’homme et qui, comme tels, sont «universels, inviolables, inaliénables».[331] L’Église souhaite qu’à travers l’affirmation de ces droits, la dignité humaine soit plus efficacement reconnue et universellement promue,[332] comme un trait imprimé par Dieu créateur sur sa créature que Jésus-Christ a pris sur lui et rachetée par son Incarnation, sa mort et sa Résurrection. C’est pourquoi la diffusion de la Parole de Dieu ne peut que renforcer l’affirmation et le respect des droits humains de toutes les personnes.[333]
Constat positif
Si l’on se réfère au passé, on peut affirmer que le message a été entendu. Il a parfois provoqué l’irritation, parfois stimulé l’action, et pratiquement toujours retenu l’attention. L’action des catholiques sociaux, luttant pour plus de justice comme nous l’avons montré dans les précédants articles, l’encyclique Rerum Novarum prise comme référence par des syndicats non confessionnels, l’engagement public de nombreux papes, cardinaux, évêques et prêtres, en faveur des plus démunis, tout cela a pesé son poids dans l’évolution de la société moderne.
Mais comme il reste beaucoup à faire, qu’il y a même émergence de nouvelles pauvretés dans les pays développés et que l’écart entre ceux-ci et les pays moins favorisés a encore augmenté, il est capital que ce message de la doctrine sociale de l’Eglise soit toujours mieux connu et davantage mis en application.
Tout le monde est concerné
C’est donc bien aux catholiques de se mettre au travail, de se former dans un premier temps, puis d’apprendre à bien faire comprendre pourquoi cette doctrine sociale concerne tous les hommes et toutes les femmes, quelle que soit leur sensibilité religieuse, enfin de l’appliquer eux-mêmes dans toute la mesure de leurs possibilités d’action.
Une sagesse humaine réaliste
Mais, si vous le voulez bien, nous examinerons d’abord les raisons qui font que la doctrine sociale de l’Eglise est parfaitement acceptable par l’esprit d’un agnostique ou d’un adepte d’une autre religion que la religion du Christ. La raison est simple, c’est que les fondements de la doctrine sociale de l’Eglise sont non seulement de l’ordre de la Révélation, de la théologie morale, mais également de l’ordre de la loi naturelle et d’une réaliste sagesse humaine. C’est de ce second ordre, que nous allons maintenant parler, avec d’autant plus d’insistance, qu’il semble que beaucoup de chrétiens ignorent de quoi il s’agit, ce qui explique leur timidité à militer pour la doctrine sociale de l’Eglise dans un monde devenu non chrétien. Il s’agit là d’une grave erreur, à laquelle il faut remédier. Nous allons donc essayer de répondre à la question « qu’est-ce que la loi naturelle ? »
Qu’est-ce que la loi naturelle ?
La conscience
L’homme est un être doué de raison et donc capable de discerner ce qui est bon pour lui. Sa volonté a besoin du discernement de cette raison pour l’engager dans la voie du bien et lui interdire la voie du mal. D’où lui vient cette conscience ?Pour nous chrétiens, juifs ou musulmans, cette conscience a été gravée au cœur de chaque homme par le Créateur, qui aimant créature, ne pouvait la jeter dans le monde sans lui faire connaitre le mode d’emploi de sa propre nature d’être humain. Certes, toujours pour nous chrétiens, le péché originel a parfois brouillé les repères et, pour nous aider à les retrouver, Dieu s’est révélé aux hommes, leur a donné dans un premier temps la loi de Moïse, les dix commandements, et dans un deuxième temps la loi d’Amour, qui a accompli la loi de Moïse sans en abolir la moindre parcelle.
Un » mode d’emploi »
Mais les non-chrétiens, comme toute personne humaine, ont une conscience, qui leur fait savoir où est le bien et le mal. En outre, l’expérience de la vie, la leur et celle des autres, leur montre bien qu’il y a en quelque sorte un « mode d’emploi » de l’homme, qui celui-ci ne peut pas faire n’importe quoi sans en payer les conséquences. L’histoire de l’humanité constitue d’ailleurs une rallonge de quelques milliers d’années à l’expérience propre de chacun. Les traditions familiales contribuent elles aussi à montrer qu’il existe bien dans l’ordre de la morale comme dans celui de la physique des lois qu’on ne peut transgresser sans dommage. Pour que la société vive dans la paix, il faut donc découvrir par transmission et par expérience ce qu’est cette loi morale naturelle qui permet une vie sociale ordonnée au bien.
Transgression et loi de liberté
On voit bien, et l’homme en prend de plus en plus conscience, qu’il existe dans la création, minérale, végétale, animale, un ordre naturel qu’on ne saurait transgresser sans causer à la planète et à ses habitants de graves dommages. Et bien ! il y a en morale, de la même manière, un ordre naturel qui permet à l’homme de se développer harmonieusement dans la société. Cet ordre naturel est régi par ce que l’on nomme précisément la loi naturelle. Le respect de cette loi morale naturelle est profitable à la vie personnelle comme à la vie sociale, la transgression conduit au désordre aussi bien personnel que social. Cette loi est une loi de liberté, puisqu’elle fait appel à la raison humaine pour le discernement, à son libre arbitre pour l’engagement et qu’elle libère l’homme de l’esclavage du mal pour lui permettre un cheminement heureux et digne.
Certes ce discours, qui est celui de l’Eglise depuis toujours et qui a été rappelé aussi bien au Concile Vatican II [1] que dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, [2] et dans Gaudium et Spes. [3]
La loi naturelle n’est rien d’autre que la lumière de l’intelligence mise en nous par Dieu ; par elle, nous connaissons ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Cette lumière ou cette loi, Dieu l’a donnée à la création (S. Thomas d’A., dec. præc. 1) Saint Thomas d’Aquin n’est pas vraiment soixanthuitard puisqu’il implique de s’interdire librement certains actes et, vous le savez bien, pour certains de nos contemporains « il est toujours interdit d’interdire et de s’interdire quoi que ce soit. »
Dignité
Une partie des philosophes modernes prétend d’ailleurs que tout est culturel et que rien n’est naturel. A les entendre, il n’y a pas de nature humaine, pas de mode d’emploi de l’homme. Seule la culture d’une époque a édicté des interdits moraux. Pour eux, il s’agit d’un ordre moral répressif, contraire à la liberté de l’homme, qui ne doit pas connaître de limites. Après plus de trente ans de ce discours, les effets pervers dans la société moderne, violences, suicides, déprimes, familles brisées, enfants délaissés, argent-roi, drogues etc, sont devant nous. Et comme le titre de l’excellent livre de Toni Anatrella, il faudra bien se décider à dire « non à la société dépressive ». [4] Ce combat, les chrétiens doivent apprendre à le mener en faisant appel à leur conscience, que toute personne a en elle, qu’il faut faire le bien et éviter le mal. Est-il difficile de montrer que le respect de la vie, le respect de la personne dans la vie affective et sexuelle, le respect de sa propre santé, le souci de la vérité, le respect des biens d’autrui, etc, sont autant de règles du jeu qui rendent possible la vie de chacun et celle de tous dans la sauvegarde d’une dignité à laquelle chacun aspire ?
« L’enracinement »
Notre grande philosophe, Simone Weil, malheureusement morte trop tôt, en 1943, sans avoir le temps d’épanouir toute sa pensée, a remarquablement analysé dans les cinquante sept premières pages de son ouvrage « l’enracinement » [5] les besoins de l’âme humaine, ce besoin d’ordre, qui permet toute vie sociale. Elle montre que les droits de l’homme ne se maintiennent que si chacun se reconnaît des devoirs envers l’autre. Droits et devoirs sont en quelque sorte les deux faces d’une même médaille ce qu’exprime d’une autre manière l’adage bien connu : « ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fit. »
L’histoire montre bien que les philosophes réalistes, comme le grec Aristote, plus de 300 ans avant Jésus-Christ, avaient déjà découvert ses règles et principes de vie, ce qui montre bien le caractère stable et universel de la loi naturelle. Comme dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique (n°1858) ; « on ne peut pas la détruire ni l’enlever du cœur de l’homme. Toujours elle resurgit dans la vie des individus et des sociétés. »
Promoteurs de la civilisation de l’Amour
En outre pour le chrétien, le respect de la loi naturelle prédispose à la perfection dans l’ordre surnaturel. La grâce ne détruit pas la nature, elle la complète et la perfectionne. Le Christ a bien précisé qu’il n’abolissait pas la loi mais qu’Il l’amenait à un accomplissement supérieur. Le respect de cette loi naturelle est donc une excellente préparation aux exigences de la sainteté, ce qui montre bien l’importance de la doctrine sociale de l’Eglise, qui est un des instruments de la nouvelle et nécessaire évangélisation. Nous voyons donc se dessiner de façon très claire une ligne de pensée et d’action pour les catholiques du troisième millénaire : 1- au nom de votre Foi, n’ayez pas peur d’être des saints. Engagez-vous dans la voie de la prière, de la vie sacramentelle, de l’écoute de la parole et la grâce du Seigneur ne vous fera jamais défaut. Ne vous contentez pas d’une morale au rabais et d’une religiosité superficielle. 2- Mais ne vous enfermez pas dans une spiritualité individualiste et intimiste. Soyez des promoteurs de la civilisation de l’amour, formez vous à la doctrine sociale de l’Eglise et engagez vous, chacun avec vos charismes, dans la transformation de la société dans votre quartier, vos associations, vos professions, votre vie de citoyen. Si vous êtes dans le monde des témoins de l’amour, vous gagnerez le respect et la crédibilité. 3- Vous ne pourrez transformer ce monde sans vous faire des alliés parmi tous les hommes de bonne volonté. Ayez pour cela le réflexe de faire appel aux arguments de la sagesse humaine. La raison de l’homme de bonne volonté ne peut qu’adhérer aux arguments de la loi naturelle. La plupart des humains aspire à un ordre naturel, qui favorise la paix sociale, le développement économique, la solidarité, l’esprit d’entreprise, la justice, la fraternité.
Cette ligne de pensée et d’action est dans la droite ligne du concile de Vatican II. Elle prolonge l’action des papes qui ont guidé l’Eglise entre Vatican I et Vatican II, c’est-à-dire notamment Léon XIII, Pie XI et Pie XII. Tous les trois ont poussé de toutes leurs forces, les catholiques à l’action sociale, Léon XIII le pionnier de la doctrine sociale de l’Eglise, Pie XI le pape de l’action catholique, Pie XII qui a abordé tous les domaines de la vie moderne pour y engager les catholiques, chercheurs, médecins, juristes, chefs d’entreprises, économistes, hommes politiques etc…
A tous les hommes de bonne volonté
Le Concile Vatican II a eu l’immense rôle de mobiliser le collège épiscopal du monde entier, pour que celui-ci à son tour engage les catholiques à transformer le monde en gérant les affaires temporelles dans l’esprit de l’Evangile. Parallèlement le Pape Jean XXIII, qui avait pris l’initiative du concile, insistait sur l’importance de la loi naturelle, un des piliers de la doctrine sociale de l’Eglise et surtout celui qui est accessible à tous les hommes de bonne volonté, qu’ils aient ou non la foi. D’ailleurs, l’encyclique « Pacem in terris » était adressée à tous les hommes de bonne volonté et leur disait en substance « nous ne vous demandons pas d’avoir la foi, qui est au demeurant un don de Dieu. Nous vous demandons de venir avec nous construire la civilisation de l’Amour. ». Au passage, nous pouvons remarquer que cette adresse aux hommes de bonne volonté, reprend, mais en l’inversant, la démarche que le chef du parti communiste français, Maurice Thorez, avait entreprise auprès des travailleurs chrétiens dans les années trente : « travailleur chrétien, tu peux garder ta foi, nous ne te demandons pas de l’abandonner. Mais, viens travailler avec nous à la lutte des classes, qui prépare l’avènement de la société sans classes. »
Cette ligne d’action a été poursuivie, amplifiée, appliquée à tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale, par Paul VI et Jean-Paul II. Dans la lettre apostolique de Jean-Paul II, relative à l’entrée dans le 3e millénaire, on retrouve les mêmes accents. C’est une exigence de charité que de contribuer, pour les catholiques, à relever tous les défis actuels, nouvelles pauvretés, analphabétisme, exclusion, désastres écologiques, drogue, désespérance, solitude, faim, maladie etc. Laïcs, engagez vous, respectez l’autonomie de la société civile mais contribuez à son bon fonctionnement en suivant les enseignements de la doctrine sociale de l’Eglise.
Un paradoxe
Il est significatif de constater que ce même document précise que le préalable à cette action consiste à « repartir du Christ », c’est-à-dire en premier lieu à rechercher la sainteté par la prière, l’écoute de la parole et la vie sacramentelle. Nous tenons avec ces deux volets des recommandations de Jean-Paul II, relatives à l’engagement des laïcs, à savoir sainteté personnelle et fidélité à l’enseignement social de l’Eglise, la clef d’explication d’un paradoxe actuel. Le paradoxe est le suivant. Dès la première encyclique sociale Rerum Novarum, il y a eu chez tous les non-chrétiens de bonne volonté, ouverts, c’est-à-dire non murés dans une idéologie envahissante, un accueil allant de la sympathie à l’enthousiasme pour cette pensée sociale de l’Eglise. Les grandes encycliques sociales, qui ont suivi Rerum novarum, les innombrables radio-messages de Pie XII, l’engagement de Paul VI pour les pays en voie de développement et de Jean-Paul II pour les droits de l’homme, ont mobilisé les foules et les médias sur tous les continents. A contrario, dans les pays chrétiens par tradition historique, il s’est produit, après les belles années du militantisme d’action catholique, un refroidissement considérable de l’enthousiasme et, ceci, à deux niveaux. Au niveau des intellectuels, particulièrement dans une partie du clergé séculier et régulier, qui, à l’étude de la doctrine sociale de l’Eglise, a souvent préféré celle des idéologies athées, existentialiste, marxiste, freudiste etc. Au niveau des familles chrétiennes, qui ont incité leurs enfants à faire de bonnes études pour se faire une bonne situation. Le matérialisme pratique des uns, le matérialisme idéologique des autres, même si ce dernier est badigeonné d’un enduit d’apparence évangélique, ont contribué à brouiller l’écoute de la voix du successeur de Pierre, qui ne suscite plus chez certains qu’indifférence voire hostilité. Il est surprenant de voir comment la notion de nature humaine et donc d’ordre naturel et de loi naturelle est aujourd’hui ignorée, incomprise voir combattue par ceux-là mêmes qui devraient s’en faire les promoteurs.
Témoignage personnel
Vous me permettrez de donner un témoignage personnel. Avant de rentrer au séminaire en 1996, j’ai travaillé quarante ans dans des domaines variés, recherche, développement, production, gestion, relations humaines, enseignement supérieur et finalement conseil aux entreprises. Tout au long de cette vie professionnelle, j’ai d’abord étudié puis appliqué la doctrine sociale de l’Eglise. Je n’ai jamais prononcé le mot « doctrine sociale de l’Eglise », pour ne pas provoquer inutilement de réactions de rejet. Je me suis servi de tous les arguments de la raison, faisant appel, sans le dire, à cette loi naturelle que le Seigneur a inscrite dans la conscience de chacun. Je peux témoigner, que l’adhésion chez les personnes de bonne volonté a toujours été au rendez-vous : la seule condition étant, bien sûr, de faire ce que l’on dit et de respecter inconditionnellement la personne de l’autre. Ajoutez-y l’amitié, le sourire, la disponibilité, l’esprit de service, l’écoute, et vous verrez les résultats en termes d’union, d’épanouissement, d’initiative et d’efficacité tranquille, sans pression inutile.
Et si on s’y mettait ?
Dans l’encyclique « Mater et magistra », la première de son pontificat, le bienheureux pape Jean XXIII , nous disait aux numéros 229 à 231 : « il est donc d’une extrême importance que nos fils ne soient pas seulement instruits de la doctrine sociale de l’Eglise, mais encore formés selon ses principes. Pour être complète, l’éducation chrétienne doit s’étendre aux devoirs de tout ordre ; elle doit donc former les fidèles à agir conformément aux enseignements de l’Eglise dans le domaine économique et social » et plus loin « nous estimons que cette éducation sera insuffisante si, à côté du maître, le disciple n’y prend pas une part active et si, à l’enseignement théorique, ne se joint pas l’expérience de la pratique. » On ne saurait mieux dire. Dommage que la voix du bon pape Jean n’ait pas été plus entendue. Peu nombreux sont les jeunes qui dans les écoles catholiques de nos pays développés ont entendu parler de cet enseignement social. Il en est, hélas ! de même dans beaucoup de séminaires. Et si on s’y mettait ?
La doctrine sociale de l’Eglise est un trésor
Parallèlement le consumérisme, l’esprit de jouissance, le culte de l’argent et des biens matériels qu’il procure, ont envahi le monde anciennement chrétien et la charité du plus grand nombre s’est refroidie. Ceux qui l’ont appliquée le savent bien, la doctrine sociale de l’Eglise est un trésor, elle permet à ceux qui en sont nourris de ne pas avoir d’incohérence dans leur vie, du style « chrétien à la maison » et « tout autre dans la vie professionnelle économique, sociale et politique. » Nous pouvons donc maintenant, au terme de cette causerie, répondre à la question que nous nous étions posé au début de notre entretien : l’Eglise a-t-elle des chances d’être entendue, quand elle s’adresse aux responsables économiques, sociaux et politiques ? et en tout cas à quelles conditions ? Première réponse : peu nombreux sont ceux qui nient actuellement la cohérence et la pertinence du langage que tient l’Eglise, par la voix du Pape et du collège épiscopal uni au Pape, en matière économique, social et politique. Le succès des voyages apostoliques de Jean-Paul II, y compris dans les régions difficiles que le Moyen-Orient en donne la preuve. Mais ce langage a besoin d’être crédibilisé par l’action pertinente des catholiques dans le monde des affaires temporelles. Le point de départ, c’est toujours la sainteté personnelle de ceux qui s’y engagent. Robert Schuman a été le Père de l’Europe et, s’il a réussi à faire passer ses convictions, c’est d’abord parce que sa vie personnelle était exemplaire : la cause de sa béatification est d’ailleurs en route. En second lieu, il faut s’être formé à l’enseignement social de l’Eglise et à sa mise en application, comme nous l’a indiqué Jean XXIII. Et en troisième lieu, il faut être capable de convaincre des non-chrétiens de s’engager à nos côtés et là, seuls les arguments raisonnables basés sur la loi naturelle, permettent d’y parvenir avec le secours d’une bonne qualité de communication.On peut donc fonder de légitimes espoirs sur l’accueil de la doctrine sociale de l’Eglise par les hommes de bonne volonté. Il est donc capital que les catholiques se mobilisent. Benoît XVI, dans son exhoratation apostolique VERBUM DOMINI nous le rappelle:
« C’est surtout les fidèles laïcs, formés à l’école de l’Évangile, qui ont la tâche d’intervenir directement dans l’action sociale et politique. C’est pourquoi le Synode recommande de promouvoir une formation adéquate selon les principes de la Doctrine sociale de l’Église.[330]. »
Alors, » Duc in Altum »!
P. Y. Bonnet
Notes
[1] (CONCILE VATICAN II, Gaudium et spes, n°16 : Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son coeur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au coeur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre. C’est d’une manière admirable que se découvre à la conscience cette loi qui s’accomplit dans l’amour de Dieu et du prochain. Par fidélité à la conscience, les chrétiens, unis aux autres hommes, doivent chercher ensemble la vérité et la solution juste de tant de problèmes moraux que soulèvent aussi bien la vie privée que la vie sociale. Plus la conscience droite l’emporte, plus les personnes et les groupes s’éloignent d’une décision aveugle et tendent à se conformer aux normes objectives de la moralité. Toutefois, il arrive souvent que la conscience s’égare, par suite d’une ignorance invincible, sans perdre pour autant sa dignité. Ce que l’on ne peut dire lorsque l’homme se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle.)
[2] (n°1954 et 1955 : 1954 L’homme participe à la sagesse et à la bonté du Créateur qui lui confère la maîtrise de ses actes et la capacité de se gouverner en vue de la vérité et du bien. La loi naturelle exprime le sens moral originel qui permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge : « La loi naturelle est écrite et gravée dans l’âme de tous et de chacun des hommes parce qu’elle est la raison humaine ordonnant de bien faire et interdisant de pécher … Mais cette prescription de la raison humaine ne saurait avoir force de loi, si elle n’était la voix et l’interprète d’une raison plus haute à laquelle notre esprit et notre liberté doivent être soumises (Léon XIII, enc. « Libertas præstantissimum »). »
[3] 1955 La loi « divine et naturelle » (GS 89) montre à l’homme la voie à suivre pour pratiquer le bien et atteindre sa fin. La loi naturelle énonce les préceptes premiers et essentiels qui régissent la vie morale. Elle a pour pivot l’aspiration et la soumission à Dieu, source et juge de tout bien, ainsi que le sens d’autrui comme égal à soi-même. Elle est exposée en ses principaux préceptes dans le Décalogue. Cette loi est dite naturelle non pas en référence à la nature des êtres irrationnels, mais parce que la raison qui l’édicte appartient en propre à la nature humaine : « Où donc ces règles sont-elles inscrites, sinon dans le livre de cette lumière qu’on appelle la Vérité ? C’est là qu’est écrite toute loi juste, c’est de là qu’elle passe dans le coeur de l’homme qui accomplit la justice, non qu’elle émigre en lui, mais elle y pose son empreinte, à la manière d’un sceau qui d’une bague passe à la cire, mais sans quitter la bague (S. Augustin, Trin. 14,15,21). »
[4] (TONY ANATRELLA, Non à la société dépressive, Flammarion, 1993)
[5] (SIMONE WEIL, L’Enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, Flammarion, 1990)